Valentine Hugo

Ecrits et entretiens réunis par Béatrice SEGUIN
suivis de Valentine Hugo et le surréalisme par Jean-Pierre CAUVIN

Ed. Actes-Sud et Bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer 187 pages

Valentine Hugo (1887-1968), née Gross à Boulogne-sur-Mer, fut mariée, puis divorcée du peintre Jean Hugo, un des arrières-petits-fils du poète, bon géant qui passa sa vie à peindre de charmantes miniatures et le finit, après une jeunesse échevelée au milieu du groupe des Six et de l’avant-garde 1919, dans les solitudes campagnardes du Languedoc, converti au catholicisme.

Elle venait de la très petite bourgeoisie : père professeur de piano, mère institutrice. Elle travailla à l’Ecole des Beaux-Arts (classe de Humbert) et ne se dégagea jamais complètement de la tradition d’Ingres et de Meissonier (enseignement excellent pour les futurs surréalistes). Attirée par les ballets Russes, elle connut le jeune Diaghilev et ses premières œuvres furent consacrées à ses dieux : Nijinski, Thamar Karsavina, Isadora Duncan. Dès 1913, elle leur consacra articles, pastels et dessins. Elle commença même une histoire de la Danse qui restera inachevée. Très mondaine, elle recevait Léon-Paul Fargue, Jean Cocteau, les musiciens Varèse, Satie et Ravel, le peintre La Fresnaye, et même Marcel Proust, alors romancier débutant (1913). Elle fut une sorte de plaque tournante lors de la création de Parade (Satie, Cocteau, Picasso). A 29 ans, elle était « lancée ».

Elle séduisit alors le soldat Jean Hugo, qui lui rendait visite dans son appartement de la rue de Montpensier, proche de celui de Paul Morand. Elle travailla pour le comte Etienne de Beaumont.

Mais dès 1926, elle se détacha de ce groupe pour s’orienter vers une autre étoile polaire, le groupe surréaliste. Elle se sépara de Jean Hugo. Mais Breton supportait assez mal une femme aussi « copurchic » comme on disait.

En 1933, elle exposa avec Max Ernst, Giacometti, Arp, Picasso, Duchamp, Man Ray. Elle est alors très appréciée de Salvador Dali. Arrive la crise, les tableaux se vendent mal et elle se dirige vers la pointe sèche, illustre les œuvres de poètes. Elle est devenue la grande amie de Paul Eluard, vivant difficilement dans un appartement de la rue de Sontay qui donne sur la place Victor Hugo…

Après la deuxième guerre, heureusement, ses amis étaient devenus à la mode et grâce à eux, sa renommée subsistait. On lui confie les décors et les costumes de plusieurs pièces de théâtre. En 1947, énorme scandale : ses décors et costumes pour Pelléas et Mélisande. Les mélomanes l’accusèrent d’avoir préféré Maeterlinck à Debussy, d’avoir trahi la musique. Tout ce bruit ne fit pas de bien à sa notoriété. On commençait à dire qu’elle était démodée. Avec la mort d’Eluard, elle perdit un sûr soutien. Elle n’avait que 65 ans et la situation s’aggravait. En 1963, Yvonne Zervos organisa pour ses 76 ans une grande vente d’œuvres, dessins et peintures donnés par Braque, Picasso, Chagall, Sonia Delaunay, Magritte, etc. Quand elle mourût cinq ans plus tard, tout cet argent était dépensé, elle commençait à retomber dans la misère.

Béatrice Séguin ne donne pas, peut-être par pudeur, le récit de Jean Hugo visitant l’appartement pillé, sans doute par des rôdeurs.

Les textes recueillis ici n’ont pas vieilli si on les replace à leur date. Ils intéressent tous l’histoire de l’art. L’œuvre plastique, reproduite abondamment, est jolie plutôt que belle. Elle gardera des amateurs chez les gens de goût. Son rapport avec le surréalisme est cependant authentique dans la mesure où Valentine fut une rêveuse et une romantique. Mais son côté destructeur comme son côté prométhéen lui demeurent étrangers.

Signalons enfin la publication ici des lettres de Raymond Radiguet à Valentine Hugo que nous n’avions lues nulle part.

Jean José Marchand.

 

Accueil - Journal de lecture - mentions légales - contact