La vérité sur le marquis de Sade

Charles HENRY

La vérité sur le marquis de Sade

La Bibliothèque éditions 93 pages 12 euros

Charles Henry (1859-1926), apprécié de la génération symboliste, bibliothécaire à la Sorbonne puis professeur à l’Ecole des Hautes Etudes, a été un peu oublié à cause de son plongeon final dans le « paranormal scientifique » ! A vrai dire, il y avait en lui quelque chose d’étrange – et d’autant plus intéressant. Ses travaux sur le sulfure de zinc et l’encaustique ont une grande valeur scientifique. Mathématicien, il s’est intéressé aussi au problème de Fermat en 1891.

M. Christian Lacombe republie aujourd’hui un opuscule de 1887 sur le marquis de Sade. Notre ami Debauve a été le premier à signaler qu’Henry fut un précurseur en mettant en doute les exagérations de Paul Lacroix (« le bibliophile Jacob ») sur Sade, interné (sans violence) à l’asile de Charenton – Saint-Maurice. Il est certain que Sade, auteur de violences sur de pauvres filles, plus ou moins vénales, a eu la malchance d’être contemporain de la Révolution et du Consulat, et de s’en mêler avec un peu trop d’ardeur ; mais, à la décharge de Bonaparte, on peut être sûr que si le déiste militant Robespierre avait triomphé, le sort de l’athée Sade n’aurait pas été meilleur.

Henry avait découvert des lettres de 1763 où le « marquis » (en réalité comte) demandait l’indulgence pour ses écarts. Selon Henry, c’était donc un « mauvais sujet », rien de plus. Il est exact que l’hostilité de sa belle-mère (alors que sa femme lui resta fidèle) a fait beaucoup pour la thèse officielle. Cependant, la responsabilité principale de son pénible destin est à chercher dans ses écarts dans une époque « vertueuse » très différente de la nôtre, qui est avide de transgressions sexuelles et d’un conformisme très différent de celui de 1800.

Sur l’emprisonnement de Sade à Miolans, Henry disposait des travaux de l’érudit savoyard Léon Ménabréa (1804-1857) qui pouvait recueillir encore des témoignages de contemporains vivants. Là aussi, l’internement n’a pas été bien terrible – si on le compare aux effrayants exploits de Carrier à Nantes. Les textes que publie Henry ne justifient donc pas un jugement aussi favorable que le sien car ils ne tiennent pas compte de l’état de l’esprit public à cette époque. Henry réagit toujours avec vivacité à des remarques en réalité modérées, pour l’époque (ainsi celle Rœderer). Dire comme Henry que Justine fut le « prétexte » de la rigueur du premier Consul est à la fois vrai et faux ; car si Bonaparte fut irrité par les attaques de Sade contre sa maîtresse Joséphine, il n’est pas moins vrai que les écrits de Sade choquaient beaucoup les « vertueux » concussionnaires et les braves bourgeois.

On a joint au texte de Charles Henry des lettres « justificatives » de Madame de Sade qui ne justifient rien, si elles prouvent seulement que cette femme aimait son mari… Mais on devrait rééditer d’autres livres de Charles Henry. Ils sont excitants pour l’esprit.

Jean José Marchand

 

 

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