Jean-François Muracciole, Les Français Libres

Jean-François MURACCIOLE

Les Français Libres

Editions Taillandier 425 pages 25 euros

Ce livre passionnant décrit des réalités sociologiques et historiques dépassant tous les lieux communs. Les Français libres n’appartenaient pas aux milieux populaires (7,5% seulement), 28% venaient du milieu militaire. Après la guerre leur décalage avec la moyenne nationale s’est encore accentué. Alors que la couche supérieure de la société ne représentait que 5% de la masse totale de la population, le tiers des Français libres en fera partie après la guerre. 16% seulement des Français libres « descendent » socialement – ou stagnent.

L’auteur souligne bien qu’il y eut deux générations de Français libres (ceux de 1940 et ceux d’après Stalingrad, grossièrement parlant). Il est faux de dire que la population a réagi dans ses profondeurs. Elle reste inerte en écoutant la radio anglaise. Pire : en 42, la LVF (contre le bolchévisme) recrute 8000 jeunes Français contre 4000 chez les Français libres. Certes, il était plus facile, matériellement, de rejoindre les recruteurs pro-allemands, mais ces deux chiffres font rêver.

78,5% des engagés n’étaient pas mariés, et la plupart venait de Bretagne et de Normandie : cela semble normal. En revanche, la pratique religieuse catholique semble avoir une grosse influence, tendance à s’engager très forte évidemment, chez les Juifs.

On a demandé aux survivants les raisons de leur engagement : 47% le patriotisme, 24% la démocratie, 10% l’aventure. La confession (Dieu) ne vient seulement que pour 4,4% et l’antifascisme 1,3%. Certes ces chiffres ne doivent pas être hypostasiés mais ils font méditer.

On se demande en lisant cette enquête scientifique quelle fut à l’époque la réponse infiniment variée de la France à l’appel à la Résistance : sans aucun doute les Français n’ont pas aimé les occupants, mais leur attitude était en fonction de leur situation et de la situation générale. C’est ce qui explique peut-être que, bien que les responsables politiques aient toujours exalté depuis les Français libres, l’opinion ne soit pas à l’aise : elle a conscience que trop de gens restés sur le territoire national n’ont certes pas été des héros.

Le livre de M. Muracciole semble scientifiquement irréprochable ; on en tirera beaucoup de renseignements qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Jean José Marchand

 

 

 

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