Femmes poètes du XIXème siècle

Anthologie sous la direction de Christine PLANTE

Presses Universitaires de Lyon 376 pages 16 euros

Voi(es) de l’autre, poètes femmes XIXème-XXIème siècles

Présentées par Patricia GODI-TKATCHOUK

Presses Universitaires Blaise Pascal Clermont-Ferrand 610 pages 30 euros

Voici deux anthologies consacrées au même sujet : l’inspiration poétique des femmes en langue française ; elles sont très différentes.

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Le livre de Christine Planté et de ses amies est de forme historique ; il suit la chronologie avec précision, il essaie d’être exhaustif malgré le foisonnement des œuvres. Au contraire, le choix d’études réunies par Mme Godi-Tkatchouk est volontairement décentré ; plusieurs essayistes, dont notre amie Marie Etienne, traitent le sujet, chacune de la manière qui lui tient à cœur. Le résultat est intéressant mais nécessairement très inégal. Mais il retiendra diverses sortes de lecteurs : ce ne sont pas les mêmes personnes qui lisent Joyce Mansour et Anne Hebert ou Sylvia Plath.

Au début du siècle dernier, Alphonse Séché, qui fut « lecteur » à la Comédie française, avait réuni une copieuse anthologie, en deux volumes. Patricia Izquierdo, qui parle ici avec compétence des « poétesses » du « romantisme féminin » (expression élégante inventée par Charles Maurras et qui a fait fortune) l’a lu et en a retenu le meilleur.

Au milieu du siècle (1953) a paru une remarquable anthologie de Marcel Béalu, poète et libraire, contenant des poèmes qui méritent d’être retenus (elle devrait être rééditée). Une étude sur ce livre aurait pu, là, trouver place. (Signalons en passant que Patricia Izquierdo a curieusement anobli Ferdinand Brunetière, le directeur de la Revue des Deux Mondes qui s’affirmait lui-même un bourgeois). Ce nouveau livre est riche et divers, discutablement orné de reproductions de Marie Laurencin et se termine par une anthologie des poètes femmes du XXIème siècle (la génération née après 1980 étant étrangement absente bien que ce soit l’avenir !) Rien, malheureusement, qui égale Louise Labé, Desbordes-Valmore, Catherine Pozzi… On notera l’absence du meilleur poète femme de ces dernières années, Michelle Grangaud.

L’anthologie de Christine Planté et ses amies, axée sur le XIXème siècle, est plus facile à consulter, parfaitement centrée, à la manière universitaire. De 1800 à 1914, trois « mythes » poétiques se succèdent. C’est un mystère que ces « révolutions du goût » qu’avait observées vers 1830, Ximénès Doudan, étonné de l’énorme distance entre la production de 1810 et celle de 1820. D’autres révolutions éclateront en 1860 (le Parnasse), puis en 1880 (le symbolisme), puis en 1924 (le surréalisme). Elles existent, moins accentuées, chez les femmes : quelle distance toutefois entre la Princesse de Salm et Gérard d’Houville ! Dans tous les cas, les femmes sont plus proches par le style de leurs émules masculins que d’une hypothétique « féminitude ». Il reste cependant incontestable que l’atmosphère lyrique est plus nette chez les femmes. Même chez une femme de génie comme Catherine Pozzi, plus intellectuelle que les autres, le « frémissement » amoureux apparait en contraste avec la sensualité, raffinée chez Valéry ou brute chez Claudel. C’est d’ailleurs cette allure très particulière de la poésie féminine qu’on retrouve chez Joyce Mansour, faussement brutale. Quelle est donc la qualité particulière de ces poètes ? Dans l’ensemble, comme chez leurs émules masculins, elle est très moyenne. Chez les romantiques, Desbordes-Valmore reste prince des poètes. Les Roses de Saadi demeurent une des plus belles poésies qu’on ait jamais écrites. Madame Planté est trop sévère pour Anaïs Ségalas, qui a écrit quelques vers naïfs mais magiques… Madame Tastu a poussé une Plainte harmonieuse. Vers 1885, Marie Krysinska a bénéficié d’une certaine gaucherie qui a libéré son inspiration. Quant aux symbolistes, l’Ombre et Ciel nocturne de Gérard d’Houville sont des œuvres qui demeurent (moins « baudelairiennes » au sens littéraire, que celles, trop à la mode 1900, de Renée Vivien). On regrette que soient seulement citées l’égérie de Latouche, Pauline de Flaugergues, Marie Mennessier-Nodier, Mélanie Waldor. Est oubliée l’amie de Sainte-Beuve, Hortense Allart de Méritens (1801-1879), ainsi que la post-symboliste Elsa Koeberlé. Mais tout jugement en ce domaine est subjectif.

Jean José Marchand

 

 

 

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