A propos de Hobbes et sa « conception de la liberté »

 

Dans le n° 2005 de La Quinzaine Littéraire, un excellent article de Christophe Miqueu explique avec clarté les paradoxes de l’évolution de Hobbes dans sa conception de la liberté. Car il est vraiment étrange de placer parmi les partisans de la liberté celui qui soutenait que « volonté et désir ne sont qu’une même chose » pour conclure que « la liberté ne convient pas plus à la volonté des hommes qu’à celle des bêtes. » Il est bien exact en effet que le chien qui s’évade d’une cage n’est pas libre au sens où l’entendait Kant : c’est que le mot-valise « liberté » recoupe plusieurs réalités vécues :

1°) faire ce qui vous plaît à sa fantaisie.

2°) se libérer de ses passions selon Epictète et les classiques (sens contraire au précédent).

3°) ne pas être contraint par les lois (vivre emprisonné).

4°) ou au contraire pratiquer le terrorisme (on lisait à l’entrée d’Auschwitz : « le travail rend libre »).

5°) échapper à son hérédité et aux entrainements de son corps.

6°) refuser, comme Léon Chestov et Benjamin Fondane, de croire à la logique.

Sartre, au rebours de Hobbes, de Spinoza et des matérialistes absolus, soutenait, en postulat sans la moindre preuve, que chacun de nous est responsable de ses actes (c’est la position du procureur général) ; cela semble si contraire aux faits qu’il plongea du coup l’homme dans le « visqueux » qui selon lui le pénètre et l’entrave. Chez Hobbes, c’est tout le contraire ; la liberté est fondée par cette constatation que le faible tue le fort : tel serait le vrai fondement de l’égalité qui n’existe nulle part dans la nature : elle ne subsiste que par l’équilibre de la terreur, le refus de mourir de la plupart des hommes ! Egalité donc, parce qu’égalité devant la mort.

On peut se demander comme M. Miqueu s’il y a parallélisme entre le changement politique en Angleterre avec Cromwell et l’évolution de la pensée de Hobbes ? Il semble que non. Hobbes n’a fait qu’aller au bout de ses prémisses : l’égalité compromet la liberté. En revanche, c’est la conception même de la liberté qu’il faut creuser pour savoir ce que cache ce mot-valise. Seule la prestigieuse fraternité ne pose aucun problème dans la devise républicaine.

Jean José Marchand

 

 

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